OPINION : par Prosper Abega, avocat au Barreau de Marseille et chroniqueur géopolitique
Le succès de l’équipe tricolore et multicolore, montre que le sport reste non seulement utile au rayonnement de la France à l’étranger, mais aussi qu’il porte en lui toutes les vertus d’une intégration exemplaire.
Le quotidien l’Equipe, du lundi 18 décembre 2023, titrait « Seules au monde » évoquant la victoire (31-28) de l’équipe de France féminine à la 26e édition du championnat du monde de handball qui s’est joué au Danemark du 29 novembre au 17 décembre 2023.
Ce titre en forme de quasi oxymore au sujet de joueuses d’une équipe suivie par des millions d’observateurs traduisait la singularité de l’instant vécu la veille.
Cette équipe, déjà championne olympique, a, en effet, remporté, avec éclat, face à son éternelle rivale norvégienne plus qu’une finale devant des téléspectateurs en France et au-delà.
Les françaises sont championnes du monde pour la 3e fois de leur histoire, une excellente nouvelle à quelques mois de la finale du handball des Jeux Olympiques de Paris fixée le 11 août 2024 à Villeneuve-d’Ascq.
Combativité, détermination, obstination… autant de vertus avec lesquelles on façonne les médailles
« On fait une compétition juste incroyable » déclarait Laura Flippes, joueuse de cette équipe, dans le quotidien sportif français l’Equipe.
Neuf victoires en autant de matches ; dont deux dans la même semaine contre leur meilleure ennemie, la Norvège, par ailleurs championne du monde sortante.
Ces joueuses, sportives talentueuses de très haut niveau, ont ajouté à leurs qualités des ingrédients habituels à cette équipe que sont : la combativité, la détermination, l’obstination… autant de vertus avec lesquelles on façonne les médailles mais également se cimente une adhésion populaire par identification de chacun d’entre nous aux joueuses, à l’équipe mais également à la nation française toute entière.
Les joueuses Bouktit, C. Lassource, D. Lassource, Flippes, Foppa, Grandveau, Granier, Horacek, Nocandy, Nze Minko (capitaine), O. Kanor, Toublanc, Valentini, Zaadi, les gardiennes Glauser et Sako et leur sélectionneur, Krembholz, nous ont offert bien plus qu’une rencontre de finale d’un championnat du monde de Handball.
Une France laboratoire du vivre ensemble, forum sportif et social
Il s’agit bien sûr et avant tout d’un succès sportif. Mais l’exploit réalisé constitue indiscutablement autre chose que ceux, très nombreux, qui ont suivi, à la télévision, sur internet, dans la presse… les rencontres de cette compétition (dont la finale fut l’aboutissement de l’épreuve) ont pu observer.
Tous ont ainsi pu voir un visage de la France que les français affectionnent, mais que les habitants d’autres nations, notamment ceux du sud dit désormais global apprécient également.
Une partie du monde observe, en effet, avec admiration cette France.
Une France laboratoire du vivre ensemble, forum sportif et social, pays de l’effort collectif, de la fraternité, d’une certaine forme de tolérance, de la solidarité, du respect de soi et d’autrui, bref du partage. Cette France qu’on ne peut qu’aimer !
La liste des qualités françaises tant appréciées n’étant pas, ici, limitative.
On peut y être, blanche, juive, noire, chrétienne, métis et/ou musulmane… mais française d’abord.
Cette équipe est, en effet, dans sa composition le reflet de la société française. On peut y être, blanche, juive, noire, chrétienne, métis et/ou musulmane… mais française d’abord.
Voire Laura Glauser, gardienne de but et sa concurrente à ce poste, Hatadou Sako, s’enlacer en larmes (de joie) est le signe d’un bonheur partagé, d’une sérénité sportive et humaine bienvenue en temps ordinaires mais encore plus en ces temps troublés.
La Coupe du monde de football Qatar 2022, remportée par l’Argentine devant l’équipe de France de football, terminée, nous rappelions dans un précédent article que la France, parce qu’elle est un pays de brassage multiple, comme l’a récemment rappelé Arsène Wenger, ancien entraineur de football, a été « remarquable dans l’intégration de l’immigration ». Elle a été et demeure à la pointe de la formation des jeunes joueurs.
La France a, en effet, compris très tôt que le football devait être aussi un levier politique que les autorités pouvaient actionner pour influer sur la société. Il en est de même de tous les sports collectifs dans ce pays, le handball n’échappe pas à la règle.
La France a compris très tôt que le football devait être aussi un levier politique
Ce sport à l’instar du football, du rugby… présente, faut-il le rappeler, un avantage : il ne récompense, lui aussi, que le « mérite ». En ce sens, ce sport nous parait être en avance sur l’école de la république. Certaines institutions étatiques devraient s’en inspirer. L’ascenseur social ne serait assurément plus en panne.
L’Europe en général et la France en particulier qui ont tant diffusé de valeurs devenues universelles sont aujourd’hui frappées par une maladie contagieuse : La phobie de l’étranger. Cette Europe et cette France sont obnubilées par la problématique migratoire qui leur fait parfois perdre le discernement.
En cette période ou la théorie dite du grand remplacement ou le développement du populisme dans toute l’Europe et du nationalisme dans son expression identitariste, font florès, certains ont dû étouffer leur Schadenfreude, la joie mauvaise, qu’inspire le malheur des autres.
Faute de malheur, la médaille d’Or autour du cou, la capitaine Nze Minko et ses coéquipières championnes du monde ont repoussé les limites du pessimisme environnant et l’anxiété du moment. Pendant un instant nous avons partagé leur joie et fait de cette joie notre bonheur désinvolte.
Une arme de séduction massive par des moyens non coercitifs
« La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer » constatait un jour Sylvain Tesson. Ce constat se vérifie au quotidien.
La contribution des dernières championnes du monde au soft-power français, habileté à séduire et à attirer, est immense. Cette arme de séduction massive par des moyens non coercitifs est un privilège français sans égal. Nul ne devrait l’oublier.
« L’oubli n’est pas autre chose qu’un palimpseste. Qu’un accident survienne, et tous les effacements reviennent dans les interlignes de la mémoire étonnée » disait Victor Hugo dans « Homme qui Rit » en 1869.
La restriction du regroupement familial, le délai désormais imparti aux étrangers, pourtant en situation régulière cotisant par ailleurs à la CSG, pour obtenir des APL, l’instauration d’un paiement d’une caution préalable pour les étudiants étrangers, le rétablissement du délit de séjour irrégulier contenus dans la loi adoptée ce 19 décembre 2023 par l’Assemblée nationale française constituent, de notre point de vue, un oubli de la participation, des joueuses de l’équipe de France de Handball, au rayonnement de la France.
Toutes les composantes de la population française, en ce naturellement compris les anciens étrangers devenus français, participent activement à ce rayonnement. Certains parmi ces derniers ou leurs descendants sont les champions du monde français d’aujourd’hui.
« Quand on ne maitrise pas la direction du vent, il ne faut pas s’amuser avec la poudre de piment » dit la sagesse populaire africaine.
Cette loi dite d’immigration a éclipsé un moment festif et de ferveur national que constitue la victoire par l’équipe de France Féminine de Handball à une Coupe du Monde.
L’attrait français, tant loué, a été décortiqué en quelques jours. Nul ne peut encore dire à quel moment ni de quelle façon ce pays en paiera le prix ubi et orbi.
L’article Handball, la France Championne du Monde : une victoire revigorante est apparu en premier sur Spectacle du monde.